Criblage varietal de mais population sur la tolerance au manque d'eau

Présentation rapide de quelques résultats

Publié par Robin NOEL, l'équipe biodiversité, Agrobiopérigord on Thursday, March 11, 2021

Article associé : Le mais face au changement climatique, Quels leviers de sélection mettre en oeuvre pour s’adapter

Introduction

L’année climatique 2020 fut particulièrement rude en Dordogne pour la culture de maïs. Elle est caractérisée par des périodes de stress hydriques prolongées et une récurrence de coups de chaud (T° > 37°C) tombant au moment de la plupart des floraisons.

Relevés météo du Sud Est du département

Figure 1: Relevés météo du Sud Est du département

Cette situation a fortement altérée le rendement de certaines parcelles, voire empêcher complétement la fécondation des grains. Cependant, sur les différentes plateformes expérimentales implantées en Dordogne en 2020, nous avons remarqué que les variétés ne furent pas toutes impactées de la même façon.

La tolérance à la sécheresse est un phénomène complexe, multifactoriel et les interactions génétiques-environnement sont nombreuses. Ainsi, nous invitons le lecteur de rester prudent dans son interprétation des résultats qui seront présentés plus loin.

En se servant des données historiques collectées sur les plateformes de criblage variétal d’AgroBio Périgord, nous allons tenter d’identifier des variétés qui sembleraient mieux tolérer les situations estivales de sécheresses.

Presentation du jeu de donnes

Afin d’identifier des différences de comportements entre variétés en situations climatiques “normales” et en situations de sécheresse, nous allons utiliser les données de la plateforme de criblage de 2016 et de 2017 pour les raisons suivantes:

  • la géolocalisation, le type de sol et l’itinéraire technique sont très proches entre 2016 et 2017

  • 2016 est une année de sécheresse, caractérisée principalement par un fort stress hydrique

  • 2017 est une année climatique optimale (de l’eau, des températures optimale sans coup de chaud)

  • de très nombreuses variétés sont étudiées en 2016 et en 2017 et beaucoup de variétés sont communes à ces deux plateformes (41 variétés).

Relevés de la station météo proche de la plateforme du Change pour l'année 2016

Figure 2: Relevés de la station météo proche de la plateforme du Change pour l’année 2016

Relevés de la station météo proche de la plateforme du Change pour l'année 2017

Figure 3: Relevés de la station météo proche de la plateforme du Change pour l’année 2017

Graphiques et analyse

Pour de nombreuses variétés, est représenté ici le rendement obtenu en 2016 (année de sécheresse) et le rendement obtenu en 2017 (bonne année) dans un système bas intrant et sans irrigation

Figure 4: Pour de nombreuses variétés, est représenté ici le rendement obtenu en 2016 (année de sécheresse) et le rendement obtenu en 2017 (bonne année) dans un système bas intrant et sans irrigation

La droite noire représente la relation entre le rendement obtenu en année sèche et le rendement obtenu en année normale. Cela signifie que, globalement, les variétés à bon rendement en année normale ont aussi plutôt un bon rendement en année sèche et que les variétés à petit rendement en année normale sont aussi les variétés qui font des petits rendements en années sèche. Mais ce lien est assez faible.

La formule de la droite noire est la suivante :

Rendement année sèche (2016) = Rendement bonne année (2017) x 0,13 + 11

Exemple avec le Lavergne :

Rendement en bonne année = 48 qtx

Rendement en année de stress hydrique = 48 x 0.13 + 11 = 17 qtx

C’est une tendance faible, mais ce qui nous intéresse c’est justement de regarder les variétés qui s’écartent de la tendance générale.

  • Plus les variétés s’éloignent au dessus de la droite, plus ce sont des variétés dont le rendement à tendance à moins décrocher que la moyenne en situation sèche. Exemple : Jean-Jean 70

  • Plus les variétés s’éloignent au dessous de la droite, plus ce sont des variétés dont le rendement à tendance à plus décrocher que la moyenne en situation sèche. Exemple Oro di Storo

On peut mesurer de combien les variétés s’écartent en haut ou en bas de la droite et ainsi les ordonner sur leur tolérance au stress hydrique.

Cet indice de tolérance n’est malheureusement pas très “parlant”, on peut aussi ordonner les variétés sur le pourcentage de perte de rendement entre une bonne année et une année de stress hydrique.

L’ordre n’est pas toute à fait le même. Maloulie se retrouve tout d’un coup en tête de liste. Bon… ce n’est pas forcément que c’est une variété qui tolère le manque d’eau: son rendement est simplement très faible en bonne condition, et donc, en condition de stress hydrique, il “ne lui reste plus grande chose à perdre”.

Ainsi, même si “l’indice de tolérance” est moins parlant, il semble tout de même plus approprié pour étudier les différences entre les variétés que “le pourcentage de perte de rendement”

Comparer les varietes

Le graphique suivant permet de comparer les variétés en fonction de leur potentiel de rendement quand les conditions sont bonnes (comme en 2017) et leur tolérance au manque d’eau (comme en 2016).

Regardons le profil particulier de quelques variétés:

  • Jean-jean 70 : variété avec un potentiel de rendement moyen mais qui semble avoir une belle aptitude à tolérer le manque d’eau: c’est une création variétale issue de plusieurs variétés (Alba + un maïs très coloré ornemental + plusieurs hybrides au profil plutôt ensilage).

  • Blanc d’Astarac : une variété avec un très bon potentiel de rendement quand les conditions sont bonnes mais qui décroche très vite en situation de manque d’eau, c’est aussi une variété avec un très haut taux de protéines. Elle conviendrait donc bien aux territoires pluvieux.

  • Bellini : variété au meilleur potentiel de rendement que Blanc d’Astarac ET plus tolérant au manque d’eau ! C’est une variété farineuse et dentée qui a malheureusement été perdue par la Maison de la Semence…

  • Oro di storo et sponcio : des variétés très belles et vitreuses d’origine italienne parfaites pour faire de la polenta mais au potentiel de rendement moyen et avec une forte sensibilité au manque d’eau : ce sont des variétés à privilégier pour des systèmes de valorisation à haute valeur ajoutée.

  • Belet, OPM et Alba : trois variétés au potentiel de rendement très correcte et avec une tolérance au manque d’eau assez élevée : elles présentent un bon compromis rendement/sécurité.

Prise de recul sur les donnees

Attention, ces données ne sont pas très robustes mais elles amènent tout de même des pistes de réflexions et permettent de “défricher le terrain”. Je pense simplement qu’il faut éviter de mettre trop vite telle ou telle variété sur un piédestal ou celle-là au pilori car il a des sources de variations qui peuvent introduire des biais (âge et qualité de la semence utilisée par exemple).

40 variétés sont présentées ici, mais il en existe bien d’autres à la maison de la semence de Dordogne, moins connues et moins courantes mais qui présentent peut-être des caractéristiques de tolérance au manque d’eau intéressantes.

Les variétés populations ne sont jamais fixées et sont évolutives grâce au travail de sélection des paysan-nes ou simplement par le fait du hasard! Tout bouge et c’est tant mieux!

La situation climatique de 2016 est une situation de stress hydrique (manque d’eau), mais les sécheresses que nous commençons à connaître (exemple de 2020) provoquent aussi des stress thermiques (coups de chaud) et les mécanismes de tolérance des variétés aux coups de chaud sont différents que ceux de tolérance au stress hydrique. Ainsi, en situation de coup de chaud uniquement (ou coup de chaud + manque d’eau), l’ordre des variétés tolérantes pourrait être complétement différent.

Pourquoi certaines varietes tolerent mieux la secheresse que d’autres ?

Vaste question à laquelle nous n’allons pas répondre ici. Mais dans nos recherches dans la littérature scientifique, nous avons identifié un caractère phénotypique chez le maïs qui peut apporter une partie de réponse.

Cette caractéristique c’est la protandrie : c’est l’écart de temps qu’il existe entre la floraison mâle et la floraison femelle à l’échelle de la plante ou à l’échelle de la population. Mais attention à ne pas confondre la protandrie avec l’étalement de la floraison, qui est en approximativement le temps entre les premières fleurs apparaissant dans la population et les dernières fleurs émises.

Nous avons identifié un lien entre la protandrie et l’indice de tolérance au manque d’eau.

Par contre il n’y a pas de lien entre l’indice de tolérance au manque d’eau et l’étalement de la floraison femelle en situation normale, la précocité de la variété en situation normale ou même la taille de plante.

Dans le graphique suivant, la protandrie est exprimée en nombre de jours.

La statistique donne une p-value de 2.3%, c’est à dire qu’on à 2.3% de chance de se tromper si on affirme qu’il y a un lien entre protandrie (en situation normale) et indice de tolérance au stress hydrique.

La statistique donne aussi un autre indicateur, le “R carré” qui est ici de 10%, c’est à dire que les variations de protandrie explique 10% des variation de tolérance au stress hydrique. C’est assez faible, cela veut dire qu’il existe bien d’autres sources d’explications possibles, en plus de la protandrie, pour comprendre les différences de tolérance entre les variétés. Mais ce n’est pas rien non plus et cela fait de la protandrie un levier sûrement très intéressant pour travailler les questions de tolérance à la sécheresse, par la sélection paysanne par exemple. Les techniques de sélection massale sur la protandrie restent à inventer !

Pour aller plus loin : Le mais face au changement climatique, Quels leviers de sélection mettre en oeuvre pour s’adapter