Astuce pour gagner du temps : separer l’autoproduction de semences de l’amelioration varietale
Un exemple sur le maïs population généralisable à de nombreuses plantes cultivées
Voici la présentation d’un modèle simple pour gagner à la fois en temps sur la production de semence et en efficacité sur la sélection. Ce modèle est déjà mis en place dans certaines fermes (vu en Bretagne et dans l’Indre) mais encore peu en Dordogne.
Le principe de la sélection massale consiste à prélever un certain nombre d’individus dans une population selon des critères observables et/ou mesurables particuliers (c’est la sélection) et de ressemer la semence issue de ces individus pour constituer la production de l’année suivante. Et ainsi de suite. Ce système fonctionne bien lorsqu’on a peu de surfaces allouées au maïs mais devient vite très contraignant si on souhaite cultiver 10 ha.
Un calcul de coin de table permet de comprendre le phenomene.
On considère, à la louche, qu’il faut 200 épis sélectionnés l’année 1 pour semer un hectare l’année 2. Pour qu’une sélection soit optimale, la pression de sélection doit avoisiner les 5% (prélèvement de 1 épi parmi 20). Ainsi, pour prélever 200 épis, il faut à minima une parcelle de sélection qui contienne 20 fois plus d’épis, soit 4000 plantes. La surface optimale à parcourir dans la parcelle de maïs pour faire une « bonne sélection » et subvenir aux besoins en semences est ici d’environ 700 m2 [1]. Ce travail prend environ 6h à une personne seule lorsque les conditions sont optimales jusqu’à plus de 9h si la parcelle est versée et enherbée [2].
Mais si vous souhaitez sélectionner et produire de la semence pour 10ha, la quantité d’épis à sélectionner monte à 2 000, la surface de la parcelle de sélection est de 7 000 m2, et le temps de travail nécessaire grimpe lui aussi à plus de 60h !
Une solution pour remédier à cet inextricable problème est de faire de cette sélection un chantier de travail collectif, convivial et festif. Mais il est surtout possible de réduire ce temps de travail à une petite dizaine d’heures et ce temps varie peu que vous décidiez de produire de la semence pour 5ha ou 40ha.
La recette presque miracle qui a fait ses preuves: separer la selection de la production de semences
Le modèle de sélection est décrit et détaillé dans la figure qui suit. On distingue trois types de “parcelles” (ou zone) : la parcelle de multiplication qui sert à produire la semence, la parcelle de sélection (inclus dans la parcelle de multiplication) dans laquelle s’effectue le travail d’amélioration variétale et la parcelle de production.
Ce système fonctionne à l’échelle d’une ferme mais peut aussi être mis en place à l’échelle d’un petit groupe d’agriculteurs qui travaillerait sur une même variété. C’est le cas d’un groupe de 4-5 agriculteurs dans le sud de l’Indre qui sélectionnent et cultivent 3 variétés de maïs. Pour solidifier ce système de sélection/production, ils sèment 2 parcelles de multiplication par variété dans deux fermes différentes et effectuent la sélection dans la plus belle des deux parcelles (ou celle qui n’a pas été détruite par divers aléas).
Avec ce petit aménagement, on allie l’utile et l’agréable et la sélection paysanne ne deviendra jamais une corvée. De plus, ce système vous ouvre de nouvelles possibilités de sélections, comme par exemple faire des sélections négatives drastiques en cours de culture (ex: suppression de 50% des pieds tardifs sur l’émission de la fleur femelle afin de progresser sur la précocité ou suppression de tous les nains et chétifs avant les floraisons pour progresser sur les pieds sans épi).
[1] On divise 4000 par la densité réelle de plantes à l’hectare à la récolte : pour le calcul j’ai considéré une densité de 60 000 pieds/ha)
[2] Mesures effectuées dans le cadre du projet CASDAR COVALIENCE sur l’étude de l’efficacité de la sélection paysanne sur les maïs populations
Cliquez ici pour découvrir la dynamique sur les maïs populations dans l’Indre