Le mais « hybride » ou la Grande Mystification de la Genetique et de la selection

un débat entre Jean-Pierre Berlan et l'inventeur du maïs hybride

Publié par Jean-Pierre Berlan, ancien directeur d'unité de recherche, INRAe Montpellier on Tuesday, September 15, 2020

En janvier 1909, George Shull dévoile sa méthode révolutionnaire de sélection, le maïs « hybride » (pp. 56-57) : « Les efforts déployés pour atteindre l’homogénéité par la méthode maintenant utilisée tend à diminuer la vigueur physiologique, et par conséquent, le rendement car une telle homogénéité de la descendance ne peut être atteinte que par l’homozygotie de tous les caractères qui affectent la forme et la taille de l’épi, sa largeur, sa profondeur, sa forme et la composition du grain, ainsi que de tous les traits pour lesquels l’homogénéité est désirable. C’est là sans aucun doute l’explication d’une expérience relatée par MR. Joseph I. Wing lors de la réunion de l’association des Sélectionneurs Américains il y a deux ans. Son père avait sélectionné une très jolie variété de maïs qui avait atteint un grand degré d’uniformité, mais c’était au prix d’un rendement diminué. »

Commentaire :

Les expériences confirment la corrélation entre la vigueur physiologique du maïs et son hétérosis (sa « vigueur hybride » ou hétérozygotie, c’est-à-dire le pourcentage de gènes différents apportés par les deux parents). Or l’uniformité que recherchent les sélectionneurs implique la perte d’hétérozygotie d’un certain nombre de caractères importants et donc une perte d’hétérosis. Il y a donc une contradiction entre les buts affichés des sélectionneurs, l’uniformité et le rendement.

Dans le paragraphe suivant Shull présente le principe de sa solution à cette contradiction :

« (…) la vigueur de toute la culture devrait être égale à celle des meilleures plantes issues de la méthode actuellement utilisée. Cela devrait aboutir nécessairement à un meilleur rendement que celui qui peut être produit par la méthode actuelle. Car non seulement toutes les plantes du champ auront le même degré de complexité, mais toutes seront constituées de la même combinaison d’éléments héréditaires et, par conséquent, il devrait en résulter une uniformité qui est à présent inconnue pour le maïs.»

Commentaire :

Shull propose donc de remplacer les variétés faites de plantes dont l’hétérozygotie (et donc la vigueur et le rendement) est variable par des « copies » de plantes sélectionnées pour leur hétérozygotie (et donc leur vigueur) supérieure. D’où un rendement accru et une uniformité « inconnue jusqu’ici ».

Le paragraphe suivant décrit la technique permettant d’obtenir ce résultat : « (1) trouver les meilleures lignées pures ; et (2) les utiliser pour produire les semences (hybrides). Pour trouver les meilleures lignées pures, il sera nécessaire de faire autant d’autofécondations que possible et de les poursuivre année après année jusqu’à ce que l’homozygotie soit atteinte ou presque. Ensuite, il faut faire tous les croisements de ces lignées pures différentes et ces croisements F1 seront étudiés quant à leur rendement et leur autres qualités souhaitées (…) »

Commentaire :

La construction de Shull est logiquement inattaquable. Il y a pourtant une faille logique. Pour la voir, il faut faire abstraction de ses considérations biologiques sur l’hétérosis, celles qui précédent le premier paragraphe en italiques. Relisons ce dernier. Le maïs « hybride » apparaît alors comme un cas particulier d’un principe logique absolument général : il y a toujours un gain à remplacer une variété, une diversité d’éléments (de plantes, de pièges à souris) par des « copies » du meilleur élément (de la meilleure plante, du meilleur piège à souris) extrait de cette variété. L’hétérosis a autant de pertinence pour le maïs que pour les pièges à souris !

En réalité, Shull étend la technique de l’isolement pratiquée dès le début du 19ème siècle pour le blé et autres céréales à paille – des plantes qui sont individuellement reproductibles. Remplacer une variété par des « copies » de la meilleure plante isolée au sein de la variété. Il s’agit exploiter les variations naturelles des populations. Etendre la méthode de l’isolement au maïs exige de disposer de plantes de maïs individuellement reproductibles. C’est ce que Shull propose de faire avec le maïs « hybride », mais sa proposition est absurde.

Les meilleures lignées pures sont celles qui donnent les meilleurs croisements (c’est-à-dire les meilleurs « hybrides » ! Les quelques 6 générations d’autofécondation engendrent un nombre astronomique de lignées pures qu’il faut croiser deux à deux pour sélectionner la meilleure. Avec seulement 100 lignées pures, le sélectionneur doit tester 4950 croisements (ou « hybrides ») pour identifier les deux meilleures lignées pures ! Il ne reste « qu’à faire autant d’autofécondations que possible », c’est-à-dire un tout petit nombre. Seule une toute petite fraction de la variabilité naturelle du maïs est exploitée et qu’elle ne l’est qu’une seule fois. Recommencer la procédure avec la même variété conduit peu ou prou au même clone. Pour poursuivre l’amélioration, il faut améliorer les populations d’où on tirera des clones améliorés. Le maïs « hybride » crée l’uniformité mais ne permet pas d’accroître le rendement. En revanche, il accroît astronomiquement le profit du sélectionneur/semencier aux dépens des agriculteurs et de l’intérêt public en lui créant le monopole de la reproduction. La sélection participative est exactement contraire à la sélection « hybride » promue par une grande partie de la recherche agronomique dite « publique ».