L’expérience menée sur la plateforme et par l’ensemble des agriculteurs investis dans le programme «l’Aquitaine cultive la biodiversité» est celle de pionniers.
En 2001, Bio d’Aquitaine entreprend un programme de recherche et de sélection de variétés de maïs adaptées à l’Agriculture biologique de son terroir, pour répondre à ses besoins techniques et à la réglementation européenne de produire en agriculture biologique avec des semences biologiques. Au même moment, conscient de l’urgence et de la spécificité des besoins, l’INRA initiait des programmes pour l’agriculture biologique dont deux furent consacrés à l’amélioration des plantes. Une organisation de la sélection prenait forme : «la sélection participative», déjà initiée dans les pays en développement pour adapter rapidement des plantes à des conditions variées et aux pratiques des agriculteurs. L’optimisation de la sélection pour l’agriculture biologique demande la prise en compte de la diversité sous toutes ses formes, pari pris il y a dix ans par Bio d’Aquitaine. J’ai particulièrement suivi l’aventure de Bio d’Aquitaine car nous avons commencé au même moment en Bretagne avec la même question pour les choux. Le rendez-vous annuel sur la plateforme du Change (24) offre une image vivante et toujours évolutive de la diversité, notamment en y découvrant des espèces et populations nouvelles en essai. Les témoignages des agriculteurs participant à ce programme enrichissent aussi chaque année le «champ du possible» offert par la sélection paysanne et sont très précieux pour la recherche.
La sélection à la ferme s’étend dans tout l’Ouest à partir de l’expérience de Bio d’Aquitaine. Deux options étaient proposées au départ : une sélection en «station», sur la plateforme du Change, d’«hybrides de populations» et une sélection à la ferme de populations. Le succès de la sélection de populations à la ferme se mesure aujourd’hui par l’extension de l’expérience à tout l’ouest de la France, du Pays Basque à la Bretagne, où un projet a été récemment déposé auprès de la région Bretagne, avec l’INRA de Rennes, pour conforter la sélection participative de maïs dans cette région. En Bretagne, les dernières années difficiles sur le plan climatique ont révélé le fort potentiel d’adaptation des populations directement venues du sud-ouest (dans le cadre d’expérimentations mises en place avec l’accompagnement des acteurs de «l’Aquitaine cultive la Biodiversité») et ont convaincu les agriculteurs expérimentateurs de poursuivre la sélection.
En matière de rendement, les populations rivalisent souvent avec les hybrides F1 sélectionnés principalement sur ce critère. Elles présentent en outre une variabilité intéressante pour d’autres caractères, quelques fois spécifiques à chaque agriculteur, non optimisés chez les hybrides, comme le taux de protéine et la tolérance à la sécheresse. A partir de ces observations, les acteurs ont un large éventail pour développer des variétés spécifiques pour des techniques culturales et des usages particuliers et redonner, par exemple, de l’importance à des critères gustatifs pour l’alimentation humaine.
Le programme de Bio d’Aquitaine a contribué à développer le concept de sélection paysanne et à en montrer l’efficacité.
La recherche publique ne s’est que très peu impliquée sur le maïs population, faute de moyens. Nous avons formalisé nos premiers travaux communs avec l’implication en 2007 de quelques paysans de ce programme pour le projet européen Farm Seed Opportunities qui a abouti à la proposition d’aménagements règlementaires en matière de législation sur les variétés et semences en 2010. Cette première interaction dans un programme de recherche ainsi que nos rencontres régulières, souvent informelles, ont nourri les bases du programme «maïs» du projet européen SOLIBAM, centré sur la sélection pour l’agriculture biologique et à faibles intrants, que je coordonne avec 23 organisations européennes et africaines. Bio d’Aquitaine participe à trois sujets de recherche spécifiques dans le projet SOLIBAM: l’évolution des populations soumises à la sélection participative (avec ma collègue Anne ZANETTO de l’INRA de Montpellier), la structuration des populations selon le nombre d’épis retenu et surtout, l’évaluation de la qualité organoleptique de populations patrimoniales européennes en sélection participative pour une valorisation en alimentation humaine.
Le terme de «sélection participative» a été donné par les institutions de recherche pour désigner des activités de la sélection associant agriculteurs et chercheurs. Dans le cas de Bio d’Aquitaine, la réussite du programme montre surtout que les agriculteurs ont su défendre et mettre en place une vision de la plante et une conception de la semence en cohérence avec un projet agricole et plus largement un projet de société. Le mouvement est en marche avec ou sans les chercheurs.
En tant que chercheur, j’ai partagé ces 10 années avec un enthousiasme qui a nourri une réflexion à la base des projets de recherche participatifs d’aujourd’hui pour un regard sans cesse renouvelé et rempli de respect pour le vivant.
Farm Seed Opportunities : Opportunities for farm seed conservation, breeding and production - SSP-CT-2006-044345, STREP (Specific Targeted Research Project - Scientific support to policies) du FP62
SOLIBAM : Strategies for Organic and low input Integrated Breeding and Management - Large collaborative project FP7 KBBE- 245058