Pour avoir de bonnes reponses, il faut comparer de bonnes choses
Introduction à la méthode scientifique grâce aux cloportes
Les cloportes nous montrent la voie !
Quelqu’un vous propose le dispositif expérimental suivant pour étudier le comportement des cloportes.
Dispositif A : Dans un vivarium, on crée d’un côté un espace qui est à l’ombre et humide et de l’autre côté un espace qui est à la lumière et sec puis on dépose des cloportes au milieu. Puis on attend de voir comment ils se comportent…
Au bout d’une heure, tous les cloportes se sont déplacés du côté à l’ombre et humide. Que pouvons-nous en conclure ? (prenez un temps pour réfléchir)
Pas grand-chose… On peut dire que les cloportes aiment soit les endroits sombres, soit les endroits humides, soit les endroits humides et sombres. Une personne qui vous présenterait cette expérience pour prouver que les cloportes n’aiment pas la lumière (et vous vendre une révolutionnaire lampe anti-cloporte) serrait dans l’erreur. Cela ne veut pas dire qu’elle a tort en faisant cette affirmation mais cela veut dire que cette expérience ne permet pas de prouver ce qu’elle affirme.
Pour lever le doute, il faudrait alors mener deux autres expériences complémentaires :
La première (Dispositif B): d’un côté du vivarium nous créons un endroit sec et à l’ombre et de l’autre côté un endroit sec et à la lumière : on dépose des cloportes au milieu du vivarium et on observe leur comportement. Ici on a fixé l’élément « humidité » pour observer uniquement l’effet de la lumière (on aurait aussi pu humidifier tout le vivarium).
La seconde (Dispositif C): d’un côté du vivarium nous créons un endroit humide et à la lumière et de l’autre côté un endroit sec et à la lumière : on dépose des cloportes au milieu du vivarium et on observe leur comportement. Ici on a fixé l’élément « lumière » pour observer uniquement l’effet de l’humidité (on aurait aussi pu plonger l’ensemble du vivarium dans l’obscurité).
Imaginons les résultats suivants :
On peut alors conclure : Les cloportes préfères les endroits ombragés mais ne montrent pas de préférence quant à l’humidité des habitats.
Ou bien, Imaginons les résultats suivants :
On peut alors conclure : C’est uniquement la combinaison de l’humidité et de l’aspect ombragé des habitats qui intéresse les cloportes.
Les cloportes et le trèfle : même raisonnement pour un essai sur les couverts végétaux
Le raisonnement que nous avons appliqué sur les cloportes est appliqué dans presque tous les champs scientifiques où l’on pratique de l’expérimentation, notamment en agriculture.
Imaginons un-e paysan-ne qui se pose des questions sur les couverts végétaux et qu’il-elle souhaite comparer l’effet d’un couvert de trèfle incarnat et celui d’un couvert de trèfle d’Alexandrie.
Suite à une discussion avec un-e autre agriculteur-trice, il-elle se pose aussi des questions sur la bonne densité de semis pour les couverts de trèfles.
Il-elle décide alors de mettre en place un essai paysan sur une parcelle de sa ferme. Il-elle implante deux bandes de culture côte à côte sur une parcelle homogène avec sur l’une d’elle du trèfle incarnat avec une densité de semis de 13 kg/ha et sur l’autre bande du trèfle d’Alexandrie à 16kg/ha.
Le protocole mis en place par cette personne est-il correct ?
Même si cette personne a bien veillé à implanter les deux couverts dans des conditions environnementales identiques, la réponse est non car elle a fait varier deux facteurs en même temps : la variété de trèfle et la densité de semis : elle sera donc incapable d’expliquer, en l’état, pourquoi tel ou tel couvert est meilleur que l’autre.
Cependant, si elle dispose d’informations sur des études préalables présentant par exemple la densité optimale pour chacun des trèfles et que ce sont ces densités la qui ont été testées : alors il sera possible d’établir une conclusion plus solide comme : « en pratiquant les recommandations de densités de semis optimale pour chacune des variétés de trèfle, le couvert de trèfle incarnat donne de meilleurs résultats que le couvert de trèfle d’Alexandrie »
Quand on fait de la recherche paysanne sur sa ferme, c’est souvent que l’on est très curieux et que l’on se pose plein de questions : c’est une très bonne chose mais il faut toujours veiller à ne pas vouloir répondre à trop de questions d’un coup au risque de mettre en place un dispositif expérimental qui n’en répond à aucune. A vouloir courir trop de lièvres à la fois, on en attrape aucun.